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La Ronde de nuit (1642) de Rembrandt, vous l’avez certainement en mémoire. Mais avez-vous fait attention à la composition ? Les gestes des personnages, leurs mouvements, et leurs regards : y avez-vous fait attention ? Aviez-vous remarqué que les miliciens sont disposés en cercle, et que ceux qui contemplent le spectacle forment comme des grappes tout autour ? Et, tant que vous y êtes, voyez-vous comment la main étendue du capitaine Frans Banninck Cocq, le commandant de cette compagnie de miliciens, dessine une ombre sur la tumique claire de son lieutenant, Willem van Ruytenburch? Agrandissez l’image. Entre le pouce et l’index apparaîssent, brodées dana la tumique du lieutenant, les armes de la ville d’Amsterdam, l’écusson portant les trois croix verticales symbolisant les supposées vertues de la ville (qui se veut héroïque, déterminée, miséricordieuse). Et cette ombre de la main veut dire : la milice veille sur la ville.
C’est par ces exemples de cette mise en scène magistrale de Rembrandt que commence la nouvelle exposition à la Maison de Rembrandt à Amsterdam, la grande maison qu’il a habité avec sa femme Saskia, où il était heureux – et où, tout en haut, il avait un grand atelier qui hébergeait aussi pas mal d’élèves. C’est à ce niveau-là, à côté de l’atelier, que « Mise en scène : Rembrandt » débute.
Comédie dell’arte
Après cette introduction, nous descendons d’un étage pour découvrir le genre de spectacles que Rembrandt voyait, et qu’il représentait par la suite, dans ses dessins surtout. Il croquait tout ce qu’il voyait dans la rue, des passants, se livrant à un spectacle « spontané », des charlatans se livrant à de véritables spectacles pour « guérir » leurs malades, mais aussi des comédiens de rue, des professionnels venus de France, d’Angleterre et surtout, semble-t-il, d’Italie. La comédie dell’arte est très présente dans l’oeuvre de Rembrandt.
Ci-contre: Comédien jouant Pantalon, personnage de la comédie dell’arte, 1635 – 1639. Hamburger Kunsthalle.
Le théâtre proprement dit était peu accessible pendant les premières décennies du XVIIe siècle. Les pièces étaient jouées pour une audience très resteinte, dans des hôtels particuliers. Le premier théatre municipal n’a ouvert ses portes qu’en 1638 au bord du Keizersgracht, le « Canal des Empereurs ». C’etait une salle ovale, au décor fixe. La place debout coûtait 20 sous, pour une loge on payait 3 florins. On jouait à la lumière du jour, dans l’après-midi, deux fois par semaine.
Ce théâtre répondait manifestement à un besoin. Dès qu’une nouvelles pièce était montée, le public se précipitait. Très vite, tout le monde avait tout vu, on avait constamment besoin de renouvellement. Heureusement pour les amateurs de théâtre de l’époque, il y avait les réfugiés juifs venus d’Espagne, qui apportaient la littérature – et donc le théâtre – ibérique. Ces pièces-là, souvent pleines de rebondissements, plaisaient beaucoup au public d’Amsterdam.
Ci-contre: Scène de Majombe et Préciosa, de Cervantes. Dessin de Rembrandt, env. 1642.
Astuces
Descendons encore d’un étage, et passons du théâtre à l’atelier, de la scène aux astuces de la mise en scène. Quels sont les instruments dont dispose le peintre-metteur en scène ? Il y a la disposition des personnages, comme nous l’avons vu, les gestes, les mimiques, les vêtements et autres attributs (couvre-chefs !)… Ce n’est pas pour rien que Rembrandt a fait toute une série d’autoportraits dans lesquels il étudiait tout autant d’expressions différentes (étonnement, crainte, incrédulité, surprise…). Il se met dans la peau de ses personnages. De même pour les turbans, qu’il étudie sur sa tête à lui ou celle des autres.
Ci-contre : Quelques autoportraits de Rembrandt, figurant autant d’expressions différentes.
Des tableaux et des gravures accentuent le savoir-faire de Rembrandt en matière de mise en scène, comme « La femme de Potiphar », histoire biblique peinte par de nombreux artistes, d’Artemisia Gentileschi à Murillo ou Fragonard. Mais rarement un tableau s’apparente autant à une pièce de théâtre que chez Rembrandt.
L’histoire : Joseph, vendu comme esclave au puissant Potiphar – main droite du pharaon d’Égypte – se voit accuser de tentative de viol par la femme de Potiphar. En réalité, c’est elle qui a essayé de séduire le beau jeune homme, et veut se venger parce qu’il a refusé de répondre à ses avances.
Notez tous les attributs théâtraux : l’estrade sur laquelle la femme se tient, le manteau de Joseph à ses pieds, le lit où la scène du « viol » est censée avoir eu lieu – tache blanche dans un environnement sombre -, les gestes des deux époux – et de Joseph, qui dans la Bible n’assiste pas à cette scène, tout contribue à en accentuer le côté dramatique.
Ci-contre: « La femme de Potiphar », 1655, Gemäldegalerie, Staatliche Museeen zu Berlin.
Comme toujours, la Maison de Rembrandt cherche la participation active du public. Dans cette exposition, les spectateurs sont invités à un jeu: il s’agit d’imiter les expressions et les gestes étudiés par Rembrandt, à deux : l’un imite, l’autre doit deviner l’émotion exprimée. C’est drôle, et ça marche.
Pour finir, visitez donc la partie de la maison où Rembrandt habitait effectivement. Vous vous rapprocherez encore plus du peintre et de sa famille.
Informations pratiques
Maison de Rembrandt (Museum Rembrandthuis), Jodenbreestraat 4, Amsterdam. museum@rembrandthuis.nl, +31 20 520 0400, ouvert tous les jours de 10.00 h à 18h, sauf le 27 avril (Fête du Roi) et le 25 décembre. L’exposition « Directed by Rembrandt » (« Mise en scène : Rembrandt ») dure jusqu’au 26 Mai 2024. Les audioguides pour l’exposition temporaire sont bilingues (néerlandais-anglais), comme les textes dans les salles. Les audioguides pour la maison de Rembrandt proprement dite existent en 13 langues (dont, de toute évidence, le français).
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English summary
Directed by Rembrandt
Look at this painting (1655). Susanna, a biblical figure, just heard two old men whisper in the bushes behind her, while she is about to have a bath. We hardly see these men, only the head of one of them is relatively clear. But Susanna’s reaction of surprise, fear, and modesty, says it all. The men want to sleep with her, and intend to blackmail her into it if necessary. She just undressed, we can still see the mark of her stocking on her leg. But right away, she tries to cover herself again, turning her head into the direction of the whispering – and facing the spectator.
The scene has been painted by a great many artists, and often in quite a dramatic way, but Rembrandt’s version is the only one in which Susanna looks straight at us, seemingly asking for our help, our intervention. An actress appealing to her spectators.
Movement, gestures, facial expressions, light, composition, attributes, all these are part of a theatre director’s equipment, and Rembrandt uses them all.
In this etching (c. 1648) Rembrandt puts together different stories told in Matthew 19.
Jesus is in the middle of a circle formed by a mixed crowd (young, old, standing, sitting, or even lying down, like the sick hoping for Jesus to cure them; or talking among themselves, like the pharisees on the left). Jesus, bathing in a divine light, blesses this crowd with one hand, while with the other, he stops Peter from pushing a woman with a child away. (« Suffer the little children, and forbid them not, for of such is the kingdom of heaven. »)
Etching (1649) : The Little Children Being Brought to Jesus (also said « The 100 Guilder Print » because of the very high price it fetched at a sale – and, according to some, paid by Rembrandt himself). Collection Museum Rembrandthuis, Amsterdam.
Attributes, and hats or other head dresses in particular, played quite an important part on Rembrandt’s « stage ». It sometimes took hours to put on a turban correctly. This was important, because he wanted to know exactly how the light fell on a head dress like that.
Left: Bust of an Old Man with Turban,
1627-28. The Kremer Collection, Amsterdam.
Right: Self-portrait with hat, cape and sword, 1634.
Many more theatrical techniques and « tricks » used by Rembrandt are shown in this interesting exhibition, that also gives an idea of the actual theatre in Rembrandt’s days – as well as the « theatre » the streets offered daily. To complete this tour, it would be a good idea to visit the actual house Rembrandt lived in, next to the rooms dedicated to temporary exhibitions. After all, his art and his daily life were closely intertwined, You won’t regret it.
Practical information
Rembrandt House (Museum Rembrandthuis), Jodenbreestraat 4, Amsterdam. museum@rembrandthuis.nl, +31 20 520 0400, open every day from 10 a.m. to 6 p.m., except April 27 (The King’s Birthday) and Dec 25. L’exhibition « Directed by Rembrandt » will last till 26 May 2024. Audio guides for the temporary exhibition are bilingual (Dutch and English), as are the texts on the walls. Audio guides for the Rembrandt House as such exist in 13 languages.
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