
« L’Europe s’expose », actuellement à La Ruche, superbe résidence d’artistes au fin fond du XVe arrondissement à Paris (jusqu’au 2 octobre). Cette oeuvre fait partie d’une exposition collective d’artistes résidant à La Ruche. Dépêchez-vous, le temps presse!
Non, il ne s’est pas métamorphosé en taureau, Marnix Raedecker, et il n’a pas non plus nagé jusqu’en Crète. Marnix Raedecker (1951) n’est pas Zeus. Mais en tant qu’artiste plasticien, il est aussi créateur, biens sûr, et il crée des mondes. Et depuis des années l’Europe le préoccupe, le possède, voire l’obsède.
Et c’est elle, l’Europe, qu’il a transformée de nombreuses fois au cours des années, non pour la posséder, mais pour rendre ses multiples identités. Ainsi, sous les mains de Marnix, L’Europe a été (je cite dans le désordre) ellipse(s) stellaire(s), vache (à lait???), présentoir de cartes postales (où l’on prend ce que l’on veut…), pour de nouveau retourner à une double ellipse. Les couleurs: toujours le bleu, toujours le jaune, Les couleurs du drapeau européen, bien sûr, mais aussi celles de l’Ukraine. Et ce n’est pas un hasard.


La forme présente, visible les weekends jusqu’au 2 octobre à La Ruche à Paris (dépêchez-vous!), avec ces ellipses sur pilotis, rappelle étrangement le bâtiment Louise Weiss, et ce n’est pas un hasard. Ce bâtiment est le siège du parlement européen à Strasbourg. Et Louise Weiss – journaliste, activiste anti-nazie, pacifiste et européenne, Alsacienne mi-juive, mi-protestante – était une amie de la famille Raedecker, cette longue lignée d’artistes franco-néerlandaise.
Il y eut le grand-oncle, John Raedecker (ou Rädecker, 1885-1956), sculpteur célèbre et auteur du monument national à Amsterdam, au pied duquel se tient chaque année la cérémonie nationale commémorant les morts de la guerre de 39-45 (voir ci-contre; photo Wikipedia). Il y eut le grand-père Willem, sculpteur, et la grand-mère Johanna, peintre, comme leur fils cadet Jan. Il y eut le père, Max, dont les oeuvres se trouvent – entre autres – dans tous les musées de Hollande. Et il y a le fils de Marnix, Willem jr, qui marie la sculpture aux plantes, pour aboutir ainsi à des créations évolutives.

La Ruche – une bâtisse étonnante, romantique à souhait, entourée d’un jardin et sise au fin fond du XVe arrondissement – héberge des artistes depuis 1902. Elle a eu des locataires très célèbres, comme Marc Chagall. Et elle fut aussi, depuis leurs débuts en France aux cours des années 1930, le domicile parisien des Raedecker. Lors de l’exode au début de l’occupation, Johanna et ses deux fils, Max et Jan, ont suivi le flot des parisiens descendant vers le Sud, et ils ont échoué en Corrèze, pas loin de Tulle, où Max a trouvé et épousé sa muse, Françoise, fille du pays, pianiste douée, actrice à ses heures (et adulée également par Michel Piccoli, qui est resté un ami de la famille durant toute sa vie).

Rien d’étonnant à ce que l’Europe occupe et même préoccupe les pensées de Marnix Raedecker – et il faut avouer que, ces dernières années, il y a de quoi être préoccupé. Cependant, il ne s’occupe pas que d’elle, c’est évident. A ces débuts, il créait des fontaines, aux formes simples en apparence. Il y en a une à Paris, dans le XXe arrondissement. Il y en a une à Tulle, dans la cour d’une entreprise. Mais à présent, allez voir son Europe, au milieu des oeuvres de ses colocataires de La Ruche. Ça vaut le coup.
Exposition collective à La Ruche, 2 passage de Dantzig, Paris XV. Ouverte les vendredis, samedis et dimanches jusqu’au 2 octobre, de 14 à 19 h. (Après le 2 octobre, « L’Europe » de Marnix Raedecker sera visible sur demande, toujours à La Ruche, chez Willem Raedecker.)
