Jérôme Bosch, visions d’un génie

Le Chariot de Foin (ouvert), Museo Nacional del Prado, Photo Rik Klein Gotink, travail sur image Robert G. Erdmann pour le Bosch Research and Conservation project.

Je n’étais pas une grande fana de Jérôme Bosch (± 1450 – 1516). Tous ces tableaux grouillant de petits êtres bizarres, de diablotins, de gnomes, d’anges déchus et de monstres, ça ne me disait pas grand-chose. Le surréalisme, bof. Le surréalisme teinté de religion, booof.

Qu’est-ce qui m’a fait changer d’avis ? L’exposition « Jérôme Bosch, visions de génie » à Bois-le-Duc (‘s Hertogenbosch ou Den Bosch en néerlandais), ville dont il était originaire et où il a vécu toute sa vie.

Une présentation exemplaire

Le Chariot de Foin (volets fermés), Museo Nacional del Prado, Photo Rik Klein Gotink, travail sur image Robert G. Erdmann pour le Bosch Research and Conservation project.
Le Chariot de Foin (volets fermés), Museo Nacional del Prado, Photo Rik Klein Gotink, travail sur image Robert G. Erdmann pour le Bosch Research and Conservation project.

Ce qui m’a impressionnée, ce n’est non seulement le fait que cette exposition, pour la première fois, réunit la majorité des œuvres du maître originaire de Bois-le-Duc (une vingtaine de peintures sur les 24 connues et authentifiées, plus un grand nombre de dessins). Mais c’est aussi qu’un travail approfondi de recherche a permis d’examiner systématiquement toutes les œuvres attribuées à Bosch lui-même, à son atelier, ou à des disciples, et de les authentifier sur des bases scientifiques – ou bien de leur retirer le statut de « Bosch authentique » (j’y reviendrai). Et le fait qu’une douzaine de tableaux ont pu être restaurés et ont donc retrouvé leur éclat d’origine, également grâce aux nouvelles techniques de scan permettant de voir les différentes couches superposées, de même que d’éventuels traits de crayon. Mais c’est surtout, surtout, la façon dont les œuvres sont exposées à Bois-le-Duc et qui permet de les voir comme rarement cela a été possible.

Le dernier jugement. Groeningemuseum, Bruges.
Le dernier jugement. Groeningemuseum, Bruges.

Les panneaux sont encastrés dans des vitrines – et pour une fois, cela n’enlève rien au plaisir de les regarder, bien au contraire. Le verre, tellement clair qu’on l’aperçoit à peine, ne brille pas et ne reflète donc pas la lumière, laquelle d’ailleurs ne vient que de l’intérieur et est dirigée exclusivement sur le tableau. Cette disposition permet de s’en rapprocher à souhait, de regarder une peinture depuis une distance de vingt centimètres – nombre de visiteurs permettant…. Les diptyques et triptyques sont exposées de telle manière que l’on peut voir à la fois l’envers et le revers. Les volets sont ouverts, on voit donc l’intérieur, mais puisqu’on peut faire le tour, on a le loisir de voir aussi à quoi ressemblerait cette œuvre si les volets étaient fermés. Simple, mais il fallait y penser. Et efficace: tous les spectateurs font le tour des oeuvres, plutôt deux fois qu’une.

Saint- Jean à Patmos. Berlin, Gemäldegalerie
Saint- Jean à Patmos. Berlin, Gemäldegalerie
Visions de l'au-delà, Venezia-Museo-di-Palazzo-Grimani
Visions de l’au-delà, Venezia-Museo-di-Palazzo-Grimani

Qui plus est, des moniteurs encastrés dans les murs montrent des détails agrandis, sous forme d’animations. Si étonnant que ce soit, l’œil est inévitablement attiré vers ces animations, pour ensuite retourner vers le tableau proprement dit – ou vers celui d’à côté, offert en comparaison. Cette disposition, et la subdivision de l’exposition en six thèmes fait voir l’œuvre de Jérôme Bosch sous un jour très différent. On ne voit plus seulement un peintre obsédé par les diablotins et les gnomes, les multiples façons de souffrir en enfer ou offrant quelques (rares) visions de la béatitude céleste – on voit aussi comment ce peintre génial peignait les paysages, les animaux, la nature en général, les êtres humains, bref on voit l’œuvre d’un créateur.

L’homme Jérôme Bosch

Mais qui était-il, ce créateur ? Quel genre d’homme était-ce ? Quel était ce fou (cet obsédé ?) génial qui s’est évertué à peindre, encore et encore, les êtres les plus extravagants ? A nous détailler, maintes et maintes fois, toutes les horreurs qui nous attendaient en enfer ?

Portrait de Bosch (recueil d'Arras 275). Arras, Bibliotheque Municipale.
Portrait de Hieronymus Bosch, par Jacques Le Boucq. Arras, Bibliotheque Municipale.

Le plus curieux, c’est qu’on ne sait rien de ses motivations, de ce qui le poussait à peindre justement ces thèmes-là. Par contre, la vie de Jérôme Bosch, né J(er)oen van Aken (Jérôme d’Aix-la-Chapelle), est assez bien documentée. Il s’était choisi le nom d’artiste de ‘Bosch’, d’après le nom de la ville où il était né et où il vécut toute sa vie. Parfois il signait ‘Jeroen van Aken, dit Bosch’. Marié à Aleid  van de Meervenne, issue d’une famille de marchants fortunés, et installé dans une belle maison donnant sur la grande place du Marché aux draps, Bosch était un homme plutôt aisé. Il était issu d’une famille de peintres, son grand-père Jan étant venu jadis de Nimègue pour s’installer à Bois-le-Duc et il est vraisemblable (mais pas certain) que Jérôme travaillait, avec ses frères, dans l’atelier de son père Antoine.

Le Marché au drap. La maison de Bosch est la 7e à partir de la droite.
Le Marché au drap. La maison de Bosch est la 7e à partir de la droite.

La famille, Jérôme en particulier, recevait beaucoup de commandes, non seulement pour des peintures ou des dessins, mais aussi pour des vitraux ou des tapisseries, pour lesquels il faisait (seul ou avec ses frères et son père) les cartons. A sa mort, en 1516, il fut enterré en grande pompe à la cathédrale Saint-Jean de Bois-le-Duc, dans la chapelle de la Confrérie de Notre-Dame, où se regroupait l’élite locale et dont Bosch faisait partie. C’était la confrérie qui paya les frais des obsèques, comme c’était la coutume.

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2 commentaires

  1. Je relis ton article sur Jérôme Bosch. Je l’ai bien aimé car documenté et juste, sensible aussi au génie de ce grand peintre. J’en profite pour t’embrasser et te dire à bientôt peut-être.

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