
C’étaient des journalistes chevronnés qui assistaient à la présentation à la presse. Ou plutôt des journalistes chevronnées – c’etaient en majorité des femmes. Des journalistes de mode, mais aussi des critiques d’art. Toutes – ou en majorité – des professionelles. Pourtant, il y eut des oh! et des ah! quand l’organisatrice de l’exposition, Madelief Hohé, a annoncé que «la» chemise en faisait partie. La fameuse chemise que portait Mister Darcy alias Colin Firth quand il sortait de l’eau dans le film Orgueil et Préjugés (Pride and Prejudice), d’après le roman de Jane Austen. «Oh!» On peut être journaliste, on n’en reste pas moins femme… «Mais vous allez la voir à la fin de l’exposition,» reprit le conservateur avec un petit sourire. «Pas tout en même temps…»
En effet, pour le visiteur l’exposition s’ouvre et se clôt avec des costumes de films ou de séries télévisées, surtout anglais ou américain: Orgueil et Préjugés, Downton Abbey, Titanic, Autant en emporte le vent…


Et dans le «corps» de l’exposition, des vêtements d’époque. En quantité. Des vêtements de jour, de soirée, de gala; tenues de ville, tenues de bal; des décolletés plus ou moins profonds, des tailles qui montent et qui descendent, des jupes qui se rétrécissent ou s’élargissent – au point d’être soutenues par une crinoline ou une houppe. Des broderies, des passementeries… Et les tissus! De la soie, de la mousseline, du beau coton d’Inde, du cachemire – mais aussi de la laine, du drap, pour les manteaux et les costumes d’homme.

Parlons un peu des couleurs, à présent. Quelle palette! Pour les robes, ça va du blanc et du rose pâle au noir, en passant par le vert émeraude, le bleu cobalt, le rouge écarlate et – ne l’oublions pas – l’or: souvent un peu caché, raffiné, sous une dentelle noire. Les messieurs, eux, sont nettement moins exubérants, chez eux c’est le noir qui domine – avec le blanc des chemises. Mais les belles dames, elles sacrifiaient parfois tout à la couleur – jusqu’à leur vie (ou celle de leur couturière…): certaines teintes étaient obtenues grâce à des substances extrêmement toxiques. Le vert émeraude, par exemple, si désirable à une époque donnée, s’obtenait par une teinture à l’arsénic… Arsénic et (pas si vieilles) dentelles, en effet… Il n’était pas rare, paraît-il, qu’une femme s’évanouisse à un bal, non seulement à cause du corset qui l’enserrait trop, mais certainement aussi à cause du poison émanant de sa robe…. et il lui arrivait d’entraîner son partenaire de danse avec elle, pour peu qu’il ne s’approchât trop…

Ainsi, l’exposition ne se contente pas de montrer l’évolution de la mode au 19e siècle, elle raconte aussi son histoire (et elle montre certaines créations contemporaines inspirées des modèles du 19e siècle). Et elle montre les personnages «en situation»: dans une salle à manger, une salle de bal, un grand magasin, un des passages commerçants qui se sont construits à partir du milieu du 19e siècle, quand la mode se «démocratise» (relativement) sous l’effet de l’ouverture de ces nouveaux magasins (Le Bon Marché, Les Magasins du Louvre) où elle s’achète dorénavant toute faite, en prêt-à-porter.

Et bien sûr, la mode est illustrée aussi par certains personnages de la littérature ou ou de l’écran. Ce n’est pas pour rien que l’exposition s’intitule «Mr Darcy rencontre Eline Veere», cette dernière étant un personnage de roman néerlandais. Mais elle aurait pu tout aussi bien s’intituler « Mr Darcy rencontre la Dame aux Camélias», car elle aussi, elle est dans l’exposition.
Allez voir ça, allez vous régaler! Profitez des vacances de la Toussaint (ou de Noël) pour aller admirer ce beau musée, et cette réjouissante exposition. Elle s’accompagne d’un très beau catalogue – et pour qui a le courage, si vous traversez le palier en sortant, une autre superbe exposition vous attend: celle de Mark Rothko…
