… ou en fait, pas si tranquilles que cela, car en ce moment précis (un samedi soir aux alentours de minuit), il y a partout des voitures qui claxonnent,des scooters qui pétaradent, des sirènes de police qui hullulent, des gens qui crient (apparemment, leur équipe de foot favorite a gagné), et il y en a qui allument des feux d’artifice – ce qui, ici, fait penser à des coups de feu.
Mais des coups de feu, il n’y en a point. Sur la Corniche toute proche, on flâne, on boit du café, on mange une glace ou un ka’ik (du pain en forme de double croissant, rempli de fromage fondu et d’un mélange d’herbes), on fume le narguilé – et on continue de flâner.
Il y a des gars qui dansent, des filles et des garçons qui se tiennent la main, des parents qui poussent des poussettes, des gamins qui font du vélo, bref c’est la vie tout ce qu’il y a de paisible. Et les gens sont d’une gentillesse, d’une hospitalité extraordinaires.
Et pourquoi n’en serait-il pas ainsi? Après tout, la guerre civile est passée depuis 20 ans… Oui, mais elle est encore si présente partout. L’autre jour, je suis allée à l’Institut Français du Proche-Orient, rue de Damas; c’est sur la ‘ligne verte’ qui, jadis, séparait le camp chrétien du camp musulman – comme s’il n’y en avait que deux… Partout dans la ville, il y a encore des bâtiments troués de balles – au milieu de bâtisses toutes nouvelles et souvent encore plus richissimes les unes que les autres – mais sur cette ligne verte, il y en a plus qu’ailleurs.
Je ne comprenais pas très bien: pourquoi encore tant de bâtiments abîmés, toutes ces années après? On m’a expliqué: parfois, le propriétaire n’a pas l’argent nécessaires pour les réparations, ou il/elle n’est plu là… Oui, mais en même temps, il y a eu des histoires immobilières sordides.
Enfin, l’effet de tout cela est bizarre. On passe continuellement d’une ville bruissante, une ville en expansion, à une ville fantôme. Prenez la Place des Martyrs, qui devrait être quelque chose comme l’Explanade des Invalides – eh bien, c’est un vaste espace vide qui donne sur le port, bordée d’une superbe mosquée et d’une aussi belle cathédrale (côte à côte), avec, un peu plus loin, des buildings rutilants, tout neufs – et puis, rien. Des chantiers. Des immeubles à trous. Une construction qui fait vaguement penser à un immense vaisseau interplanétaire – mais toute brûlée, une carcasse, quoi. Et puis, il y a cette tente absurde qui contient le tombeau de Rafic Hariri, assassinée pas loin d’ici il y a quatre ans. N’y avait-il rien de mieux à construire autour de ce tombeau que cette tente? Et pas loin de là, une sculpture, elle aussi criblée de trous de balles… Et au milieu, ou plutôt au travers de tout cela, une marée de voitures…
Hier, j’étais à l’Université Américaine, campus superbe, tout de verdure et de tranquillité… Quel contraste! Autre contraste: l’espace piétonne, touristique, joliment restauré, de la Place de l’Horloge, pourtant á un jet de pierre de la Place des Martyrs. Le musée privé René Mouawad (autre homme politique assassiné) qu’on venait de visiter, était, lui aussi, une oasis de verdure et de beauté.
Demain, on va aller reconnaître la montagne…
Il est tard, l’internet est lent et j’ai la flemme de charger des photos. Alors, je vous donne le lien. Mes photos se trouvent ici: http://picasaweb.google.com/jacqwess/Lebanon1Beirut#