Paula Modersohn-Becker, un conte de deux cités

Nature morte aux poissons rouges, 1906

On ne peut s’empêcher de se demander jusqu’où serait montée l’toile de cette artiste si elle avait vécu au-delà de ses 31 ans. Si une mort tragique ‑ consécutive à la naissance de sa fille, tant désirée ‑ n’avait mis une fin prématurée à cette existence surtout vouée à l’art. Du talent, elle en avait à revendre, Paula Becker (1876 ‑ 1907). Plus même que son mari, le peintre Otto Modersohn (1865 ‑ 1943), comme il le reconnaissait lui-même. Pourtant, il était estimé, connu, en tout cas dans sa région, le Nord-Ouest de l’Allemagne, celle qui entoure la vieille ville hanséatique Brême.

Un Conte de deux Cités

L’histoire de Paula ‑ bien que née à Dresde, ayant grandi à Brême et étant formée à l’Académie des Beaux-Arts de Berlin ‑ est avant tout un « Conte de deux Cités ». Deux « cités » on ne peut plus opposées : d’un côté Worpswede, ce hameau dans la lande du Nord, où elle s’est installée au retour de Berlin, qu’elle aimait et où elle retournait sans cesse; et de l’autre, Paris, son autre grand amour, qui l’attirait tout autant.

Vieille femme au chapeau noir, 1905, Von der Heydt Museum,Wuppertal
Portrait de Paula Becker par Bernhard Hoetger. Bronze, 1927.

En tout, elle fait quatre séjours prolongés à Paris, où elle court les galeries comme les salons, tout en travaillant avec acharnement, suivant des cours, fréquentant d’autres artistes. Son vieil ami Rilke l’introduit auprès du grand Rodin (en la présentant comme « la femme d’un peintre ami »…). Elle admire aussi l´œuvre de Maillol, de Matisse, de Gauguin, de Cézanne surtout. On perçoit leurs influences respectives dans les œuvres de Paula, qui pourtant portent bien sa marque à elle.

Durant ces longs séjours à Paris, elle s’éloigne petit à petit de son mari, bien qu’ils s’écrivent souvent, et beaucoup. Mais elle se sent enfermée dans son mariage et désire y mettre fin. Otto ne l’entend pas de cette oreille et la rejoint à Paris. Au bout de plusieurs mois, ils retournent ensemble à Worpswede, où peu après, elle donne naissance à leur fille, Mathilde. Paula est aux anges, elle adore les enfants, elle les a peints beaucoup, seuls ou avec leur mère. Des tableaux intimes, émouvants. Un bébé se blottissant contre sa maman. Des petites filles fragiles. Des visages qui vous fixent de leurs grands yeux. Pour Paula et Otto, le bonheur ne devait pas durer. Quinze jours après la naissance de Mathilde, Paula meurt d’une embolie.

Elle laisse une œuvre impressionnante, surtout pour une vie si courte. Si vous êtes aux Pays-Bas, prenez donc le train pour Enschede (prononcez Enne-sre-dé), dans l’Est du pays. La proximité de la frontière allemande se lit dans les textes bilingues néerlandais-allemands (de même que le catalogue). Mais vous n’en avez guère besoin, de ces textes. Les tableaux parlent d’eux-mêmes, et ils sont fort éloquents.

Quand vous aurez fini de voir cette exposition (et peut-être la collection, étonnamment riche pour un petit musée de province), allez donc explorer les environs (en vélo par exemple). Ils sont très beaux, boisés, vallonnés, traversés de petites rivières pittoresques… Bref, on est loin du plat pays des polders où s’alignent les pâturages ou les champs de betterave entrecoupés de canaux…

Autoportrait au collier blanc. 1906.

Si jamais vous n’aviez pas l’occasion de vous rendre à Enschede d’ici le 12 août (dernier jour), vous pourrez voir l’exposition « Paula Modersohn-Becker, de Worpswede à Paris » au musée Van Der Heydt à Wuppertal, en Allemagne, à partir du 9 septembre (jusqu’au 6 janvier 2019). De toutes façons, la plupart des tableaux exposés à Enschede viennent de là.

Et vous aurez toujours l’occasion de vous rendre à Brême. Cette charmante ville hanséatique aux bords du Weser (qui, à l’époque napoléonienne, fut un temps incorporée à la France, comme capitale régionale du département des Bouches-du-Weser…) a même un musée consacré tout entier à Paula Modersohn-Becker et qui porte son nom. Il fait partie d’un ensemble de musées dans la même rue, appelé Museen Böttcherstraße. Et là, le 25 août, s’ouvrira une exposition consacrée au couple de peintres, « Paula Becker & Otto Modersohn. Kunst & Leben ». L’art et la vie, quoi. Un programme formidable. Jusqu’au 6 janvier.

Informations pratiques
  • Rijksmuseum Twenthe (RMT), Lasondersingel 129-131, 7514 BP Enschede, Tél +31 53 2012000, info@rijksmuseumtwenthe.nl, www.rijksmuseumtwenthe.nl. Du mardi au dimanche, 11h – 17 h. En train: 2 h à partir d’Amsterdam (Centraal ou Zuid ou Schiphol), puis 10 minutes à pied à partir de la gare d’Enschede (à gauche en sortant de la place de la gare, traverser les voies, à droite au carrefour, puis à gauche en suivant les panneaux). En voiture : Sur l’A 35, sortie Enschede West. Puis suivre les panneaux « Enschede West » , « Centrum» et « Rijksmuseum ». Venant de toutes les autres directions : suivre « Centrum» et « Rijksmuseum ». Il y a un atelier pour enfants.
  • Museen Bötcherstraße (Paula Modersohn-Becker Museum, Ludwig Roselius Museum, Sammlung Bernhard Hoetger), Böttcherstraße 6–10, 28195 Bremen. L’exposition est ouverte jusqu’au 6 janvier 2019. Brême est à quelque 300 kms de Berlin, et à une centaine de kms d’Osnabrück ou de Hambourg, avec trains directs à partir de ces villes. Un quart d’heure à pied à partir de la gare (Hauptbahnhof), 12 minutes en tram 4 ou 6, ou en bus 24 ou 25, arrêt Domsheide. En voiture : voir itinéraire à suivre.
  • Von der Heydt-Museum, Turmhof 8, 42103 Wuppertal, tél +49 202 563-6231. Ouvert mardi ‑ dimanche 11-18 heures, le jeudi jusqu’à 20 heures. Le Von der Heydt-Museum Wuppertal se trouve dans la zone piétonnière au centre ville (district Elberfeld), à 5 minutes à pied de la gare centrale (Hauptbahnhof). Wuppertal est à une heure de train de Düsseldorf, à 1h30 d’Aix-la-Chapelle. En voiture : A partir de l’ A 46 sortie W-Katernberg ou W-Elberfeld. Suivre les indications pour les parkings au Zentrum Hofaue. L‘exposition « Paula Modersohn-Becker » se tiendra du 9 septembre 2018 au 6 janvier 2019. Collection permanente : surtout impressionnisme et 20e siècle. Et beaucoup d’oeuvres de Paula Becker.

Lire aussi: Marie Darrieusecq: Etre ici est une splendeur. Vie de Paula Becker. Editions POL, 2016.

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