
C’est un projet extraordinaire, qui a commencé il y a plusieurs années : une exposition, non seulement dans deux musées, mais aussi à cheval entre deux pays, l’Allemagne et les Pays-Bas.
Et c’est ainsi que deux musées de province, aux budgets relativement modestes, ont quand même pu présenter un projet grandiose : une exposition de l’art réaliste américain, de 1965 jusqu’à aujourd’hui.
Les deux musées sont la Kunsthalle à Emden, en Allemagne, et le Drents museum à Assen aux Pays-Bas. Il y a une heure et demie de route entre les deux, plus une frontière, invisible, il est vrai, sauf par la différence de langue. Le Drents museum (musée de la province Drenthe) a une histoire qui remonte au XIXe siècle ‑ et au haut moyen-âge pour ce qui concerne les bâtiments. Ancien couvent cistercien reconverti en « Maison de la Province » puis en musée, il présente depuis de nombreuses années des expositions qui font date, qu’il s’agisse d’archéologie (les soldats de terre cuite de l’empereur Qin, l’art des Maya) ou bien d’art réaliste, quel qu’il soit (de l’œuvre du « jeune » Mondrian à l’art soviétique).

La Kunsthalle d’Emden, de son côté, a été fondée il y a un quart de siècle par l’ancien rédacteur en chef du fameux magazine Stern, avec sa collection personnelle pour base. Situé pas loin du port hanséatique d’antan, le bâtiment comme la collection respirent le temps présent, tournés vers l’avenir. A cause de leur proximité (ils sont à une heure et demie de route l’un de l’autre), les conservateurs des deux musées entretiennent de bons contacts depuis longtemps. Mais cette fois-ci, la collaboration dont ils ont parlé souvent, est devenue réalité. Cette exposition de l’art réaliste américain est beaucoup trop grande, trop coûteuse pour un seul musée, surtout un musée de province. A deux, c’est faisable ‑ et c’est fait.
Le rêve américain
Commençons par Assen, puisque c’est là que débute l’exposition d’un point de vue chronologique, en 1945. Vous y entrez ‑ et vous vous trouvez dans les rues de New York. Dans les ‘rues’ principales, une chronologie, avec vidéos de certains des autres événements (musicaux, politiques, scientifiques…) : les débuts d’Elvis Presley, la guerre du Vietnam, l’assassinat du président Kennedy, ou le lancement du premier satellite dans l’espace, par exemple. C’est beau, c’est clair, c’est bien fait. Cela permet des retours en arrière, des comparaisons, des vues d’ensemble.

Sur les autres panneaux composant les « rues », les tableaux ou les sculptures en ordre chronologique. Il y a des œuvres des célébrités : Edward Hopper, bien sûr, Andy Warhol, Roy Lichtenstein et d’autres, mais il y a aussi des presque inconnus. Vous ferez des découvertes…
Le réalisme de certaines oeuvres est presque effrayant (comme les sculptures de Diane Hanson), mais aussi des paysages de rêve, des intérieurs douillets, des scènes de la vie de tous les jours.

Suite de l’exposition

A Emden, l’exposition reprend à partir de 1966, là où à Assen elle s’arrête. Ici, changement de cadre. Rigueur allemande. Pas de scénographie ingénieuse, des salles austères aux murs blancs où les tableaux, souvent immenses ‑ et parfois tout petits ‑ sont accrochés tout simplement. Et pourtant, cela « marche », ou plutôt, c’est le spectateur qui « marche ». Encore des Hopper, plus récents qu’à Assen, mais aussi touchants. Comment fait-il, cet artiste, pour nous toucher si profondément par des scènes apparemment si simples ? Une femme en train de coudre, un couple dans un restaurant… On imagine toute une histoire derrière, on voudrait s’y attarder, encore et encore. Mais il faut s’en arracher, il y a d’autres tableaux, aussi fascinants, la Gare Centrale de New York de Stone Roberts (voir ci-dessus) où l’on pourrait passer des heures, tellement il y a de choses à voir. Des baigneurs au bord de l’eau, un « diner » presque photographique, des scènes de rue, de la vie courante. Des œuvres comportant un message politique aussi. Deux cents œuvres au total, un trésor. Dont vous sortirez heureux. Enfin, moi, j’en suis sortie heureuse. Tant de beauté…
La région

Vraiment, cette double expo (et les environs !) valent une visite dans le Grand Nord. D’autant plus que bientôt, le beau temps reviendra (du moins on l’espère). Et vous pourrez faire d’une pierre trois ou quatre coups ; car à un quart d’heure d’Assen vous avez la ville fort sympathique de Groningen et son beau Groninger Museum où jusqu’au 6 mai, vous pourrez admirer les Romantiques nordiques. Un autre siècle et un autre genre ‑ avec, entre autres, quelques admirables Turner qui à eux seuls valent le détour ‑ mais tout aussi intéressant (et de toutes façons, si jamais vous vouliez aller d’Assen à Emden en train, il faudrait passer par Groningen).
Et si cela ne suffisait pas : Leeuwarden la Frisonne, capitale de la province d’à côté, sera cette année capitale européenne de la culture (avec La Valette à Malte). Décidément…
Infos pratiques
The American Dream, jusqu’au 27 mai 2018, au Drents Museum et à la Kunsthalle Emden (1h30 de route). Informations et tickets : cliquez ici. Les sites sont en allemand, en néerlandais et en anglais.
Une fois par mois, les samedi 24 février, 24 mars, 21 avril et 19 mai 2018, il y aura une navette par car entre la Kunsthalle Emden et le Drents Museum à Assen. Départ le samedi matin à 10 h d’Emden (suivant l’ouverture en nocturne le vendredi soir) et repart d’Assen l’après-midi à 15 heures. Il y a aussi des navettes et des arrangements dans le sens opposé, notamment les 15-16 février. Cliquez ici pour de plus amples informations ou pour réserver des places (site en allemand), ou ici (en allemand aussi) pour les forfaits weekends (2 nuits ou 1 nuit), si vous voyagez en voiture.
Dans l’autre sens, d’Assen à Emden, on ne trouve de l’information sur les arrangements que sur les pages web en néerlandais, ici (combi Assen-Emden organisé par le touropérateur SRC +31 50 3123123 les 15-16 février, €249,-), ou, si vous venez en voiture, il y a des possibilités de visites combinées tous les weekends (€ 165,- ou €225,25) avec séjour et diner à Assen et à Emden.