
La rentrée culturelle s’est fait attendre, mais là – après un été plein de festivals de toutes sortes – elle démarre sur les chapeaux de roues. Ne parlons pas de la controverse (?) recente entre nos pays – la France et les Pays-Bas – à propos de l’achat des Rembrandt d’Eric de Rothschildt. Controverse ou comédie burlesque? Toujours est-il que dans un proche avenir nous partagerons fraternellement les portraits du couple Maerten Soolmans et Oopjen Coppit. Les toiles seront exposées tour à tour au Rijksmuseum et au Louvre. Je vous en parlerai. Plus tard. Mais ce qui donne déjà une idée: aux Pays-Bas, toute la presse a parlé de l’« affaire », alors qu’en France, la publicité s’est limitée à quelques journaux seulement. Aux Pays-Bas, le site du Rijksmuseum mentionne déjà les portraits (même s’il ne les montre pas), sur le site du Louvre je n’en ai trouvé nulle trace…
Pour l’instant, parlons de la rentrée culturelle proprement dite. Là aussi, les événements se bousculent. Jugez-en: l’Opéra Itinérant joue Madame Butterfly (avec Annemarie Kremer dans le rôle principal, retenez ce nom), l’Opéra National Le chevalier à la rose, tous deux reçus avec le plus grand enthousiasme par la critique. Le Concertgebouw, qui annonce un concert d’oeuvres de John Adams dirigé par le compositeur, vient de présenter une nouvelle oeuvre de George Benjamin, Dream of the Song, écrit spécialement pour le contreténor Bejun Mehta et dirigé par le compositeur lui-même. Superbe. Le Muziekgebouw aan het IJ, autre grand temple de la musique amsterdamoise, fête longuement son dixième anniversaire, avec, entre autres, le Collegium Vocale de Gand, l’Amsterdam Sinfonietta et le Nederlands Blazers Ensemble (NBE) dans une reprise de Una Odissea, avec Marco Beasly. Et bien sûr, on fête les 80 ans d’Arvo Pärt un peu partout.
Quant aux expostions, elles se carambolent, on ne sait guère où donner de la tête. Au musée Van Gogh, tout rénové, s’est ouver une exposition Munch qui vaut le voyage, l’année Jérôme Bosch (2016) sera célébré un peu partout (à commencer par le musée Boijmans- Van Beuningen à Rotterdam, où se tient « De Bosch à Brueghel, la découverte de la vie quotidienne ». De son côté, l’Hermitage d’Amsterdam a programmé pour fin novembre une exposition de peintres espagnols (oui, les grands, de Velasquez à Goya). En attendant, vous pouvez y voir, entre autres, une exposition sur « Alexandre, Napoléon, et Joséphine ».
A Amsterdam comme à Rotterdam on a mis les graffiti à l’honneur: Keith Haring à la Kunsthal de Rotterdam, tandis que, à l’Amsterdam Museum, ses collègues newyorkais rencontrent (en peinture, mais aussi en chair et en os) les grapheurs amsterdamois.
A la Haye, deux expositions au même musée, le beau Gemeentemuseum, un de mes préférés. L’une chante une « Ode à la Mode (néerlandaise) », tandis que l’autre montre l’art néerlando-flamand de la fin du XIXe siècle dans « La couleur déchaînée ». Les deux sont à voir, sans aucun doute.

Par ailleurs, la Nieuwe Kerk (Nouvelle Eglise) présente une belle exposition sur la Rome chrétienne « Rome, le rêve de Constantin ». En effet, l’empereur Constantin fut (grâce à un rêve…) le premier à donner droit de cité au christianisme, le premier aussi à s’y convertit (à la fin de sa vie, il est vrai). Il y a quelques pièces tout à fait rares et surtout rarement réunies, mais surtout, cette exposition – qui suit celles sur l’islam et l e judaïsme – offre une vue intéressante des débuts du christianisme « reconnu », voire « officiel » – avec le premier pape, les premières églises ayant pignon sur rue.
Contraste: l’adorable petit musée Ons’ Lieve Heer op Solder (Notre Seigneur au grenier), entièrement rénové (sans avoir fermé! Une gageure…) et plus beau et plus authentique que jamais, montre comment dans cette Amsterdam « tolérante », ville natale de Spinoza, le catholicisme – pourtant omniprésente jusqu’à la guerre de 80 ans – n’avait pas vraiment droit de cité au cours des 18e et 19e siècles. Comme les premiers chrétiens romains juste avant Constantin, ils avaient bien la liberté de culte, à condition… de la pratiquer en cachette…Il a fallu attendre la seconde moitié du 19e siècle (bien au-delà de l’époque française, qui pourtant a apporté la Constitution à la française, avec droits de l’homme et tout…) pour que, de nouveau, des églises catholiques soient construites et consacrées. Le musée a profité de sa rénovation pour mettre l’accent sur cet aspect de tolérance, justement. Thème bien d’actualité…

J’en passe, et des meilleurs peut-être… comme Turner dans l’Est du pays, à Zwolle et à Enschede (eh oui, dans des villes de province relativement petites…mais à la vie culturelle fort riche), comme l’oeuvre d’Escher au Palais à La Haye, et comme tant d’autres perles visuelles ou auditives, à travers le pays…
Je vous raconterai tout dans mes blogs. J’aime tellement plus parler de tout cela que des grands problèmes qui nous préoccupent tous : les réfugiés, oui, bien sûr…, les guerres, en Syrie comme en Ukraine ou ailleurs, sans parler de ‘petits’ sujets qui nous préoccupent aux Pays-Bas en particulier. Le Pierrot Noir, par exemple… Le quoi? Ben oui, le valet de Saint-Nicolas, celui qui apporte des cadeaux aux enfants le 5 ou le 5 décembre… Hein??? Ben oui, le valet noir… « Racisme! » « Patrimoine culturel à conserver! » « Discrimination! A bannir! » « Touche pas à notre culture, bas les pattes! » Et bien sûr, les deux camps ont raison en partie. Il est vrai que certaines images de « Zwarte Piet » sont un peu embarrassantes – du niveau de « y a bon Banania »… Il est vrai aussi que la tradition n’est pas si longue que ça, un siècle et demi à tout casser.
D’un autre côté, il s’agit d’une fête pour enfants inoffensive et que les Pierrots, de nos jours, ne sont plus tous noirs, qu’il en y en a de toutes les couleurs et que bien des Antillais, Surinamiens et autres citoyens de nos (ex-) colonies fêtent la Saint-Nicolas sans arrière-pensée, Pierrot noir compris…
Et ainsi de suite… Plus la Saint-Nicolas (le 6 décembre, fêtée la veille au soir) approchera, plus la discussion ira s’envenimant. Je vous en parlerai. Un jour, quand j’aurai le courage d’aborder la violence, l’agressivité verbale qui nourrit la discussion autour d’un personnage somme toute… mythique…
Pour l’instant, je vais vous parler des expositions. Et je vais commencer par le graffiti à l’Amsterdam Museum. Eh oui, le graffiti a fait son entrée aux salons. Definitivement.