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TEFAF, la grande foire d’art du printemps, une des plus importantes en Europe de l’Ouest. Elle se tient, comme tous les ans, à Maastricht – c’est-à-dire, stricto sensu, aux Pays-Bas, mais d’un point de vue géographique autant en Belgique ou en Allemagne, et proche de la France.
J’étais partie pour voir tout d’abord les oeuvres d’art annoncées comme pièces maîtresses par l’organisation – mais en ce premier jour, j’ai erré au gré de mes goûts, de mes amititiés, et du hasard. Et de ce fait, je me suis surtout limitée à l’art moderne et même contemporain.
Qu’à cela ne tienne. J’ai vu plein de belles choses, et le reste viendra à la prochaine visite.

Ci-contre : vue d’ensemble du stand de la Borzo Gallery.
Qu’est-ce qui m’a frappée ? Tout d’abord, la présence croissante des femmes. Femmes galéristes, sans aucun doute ; femmes artistes, de plus en plus. Et des femmes sculptrices, notamment, alors que la sculpture a longtemps été le domaine privilégié des hommes, bien plus et bien plus longtemps que la peinture. Voyez les belles sculptures de Barbara Hepworth et de Lynn Chadwick sur le devant de la scène chez Connaught Brown ; voyez aussi, chez Nathalie Obadia, les superbes figures maternelles, en bois ou en bronze, de Wang Keping (née en 1949 en Chine, mais vivant en France, et une découverte pour moi). Par leur côté massif mais aussi à cause du thème, elles me rappellent un peu les oeuvres de Chana Orloff, ce qui n’est pas un mince compliment. Wang Keping, un nom à retenir.
Un peu plus loin, voici les joyeuses – et sylvestres – sculptures en carton d’Eva Jospin à l’entrée de la Galleria Continua. Et remarquez, enfin, que dans la partie de la foire qui s’intitule « Focus », une galerie, Patrice Trigono, consacre son stand tout entier aux femmes – des peintres comme Vieira da Silva ou Dora Maar (mais oui), ou bien des sculptrices aussi différentes que Germaine Richier ou Carolein Smit. Bonne initiative !
Dans les ventes aussi, les femmes montent au premier rang. Ainsi, un grand comme le Rijksmuseum d’Amsterdam a acquis, dès le premier jour, un rare tableau de Gesina Ter Borgh (1631-1690). Cette peintre s’inscrit dans une longue lignée d’artistes, liée aux Brueghel, dont on connaît surtout les hommes (en partie parce que les femmes ne signaient leurs oeuvres que rarement). L’oeuvre acquise, un portrait émouvant de Moses (Moïse), le jeune frère de l’artiste, à l’âge de deux ans.

Gesina Ter Borch a peint ce portrait une vingtaine d’années plus tard, après le décès de Moïse, durant la seconde guerre anglo-néerlandaise (1665-1667 ), et elle l’a signé. Gesina Ter Borch est surtout connue pour être l’auteure d’un grand nombre d’aquarelles et de dessins – et pour avoir géré le legs artistique de la famille Ter Borch, en possession du Rijksmuseum depuis 1886. On sait pourtant que Gesina a fait aussi des peintures à l’huile, mais ce portrait de Moïse semble être la seule qu’elle ait effectivement signée. La toile a été découverte chez un antiquaire français par le marchand d’art Dickie Zebregs (Zebregs&Röell Fine Art and Antiques, Amsterdam et Maastricht).
Dans un tout autre genre, comme le surréalisme, on constate également que les femmes ont le vent en poupe. Elliot Retelet par exemple, galériste de Monaco, et spécialiste de l’art surréaliste, constate que les femmes surréalistes – notamment Jane Gravenol et Rachel Baes – se vendent bien, et que surtout la moins connue des deux, Rachel Baes, part en flèche. Tant mieux.
Entre parenthèses: à l’occasion du centenaire du surréalisme en Belgique, une grande (immense) exposition surréaliste, « Histoire de ne pas rire », se tient au Bozar de Bruxelles. Et là aussi, Jane Gravenol et Rachel Baes sont présentes (toutes proportions gardées…).
N’empêche, dans les premiers stands que j’ai visités, ceux de la Borzo Gallery et de la Mayor Gallery (amitié oblige), toutes deux co-dirigées par des femmes, ce sont surtout des oeuvres d’hommes qui m’ont sauté aux yeux.
La vérité m’oblige à signaler que la Mayor Gallery, lors de la Journée internationale des femmes, a quand même publié une newsletter avec les noms de ses « pouliches », toutes représentées au stand : Feliza Bursztyn , Dadamaino, Sue Dunkley (ci-contre), Verena Loewensberg, Agnes Martin, Vera Molnar, Marlow Moss, Mira Schendel, Maria Helena Vieira da Silva

Mais c’étaient quand même les artistes hommes qui attiraient l’oeil – le mien en tout cas. Il y avait même des oeuvres pour attiser ma convoitise… comme cette série de sculptures de Shinkichi Tajiri (qui , jusqu’au 12.05.2024 a une grande exposition, The Restless Wanderer, au Bonnefanten musée tout proche). Et à propos d’exposition: Otto Piene, également représenté ici, en a une au musée Tinguely à Bâle (aussi jusqu’au 12-05-2024).
Ou alors ce petit texte manuscrit d’André Breton, orné, si je puis dire, d’un petit canif rose collé dessus – pièce ultra-rare, ai-je besoin de le préciser ? Breton l’avait donnée à sa maîtresse, puis de maîtresse en collectionneur, et de collectionneur en maîtresse en salle des ventes, la pièce a fini par être acquise par The Mayor Gallery, qui l’expose et la met en vente à son tour – mais dirait-on, presque à son corps défendant… C’est une pièce qu’on veut garder et chérir, et dont même un(e) marchand(e) d’art a du mal à se départir…
Pour Jory van Rosmalen de la Borzo Gallery, s’il y a une pièce qui lui tient à coeur, c’est bien une grande toile de Hans van Hoek (1947). Elle s’intitule « Kimono au cygne et au papillon » (2017-18) . J’avoue qu’à première vue, j’avais pris la toile pour un panneau de bois, sans doute à cause de l’aspect lisse et brillant de la peinture, et sans doute aussi en partie à cause du remarquable cadre en bois, de la main de l’artiste lui-même. Le tableau fait partie d’une série de « kimonos », (presque) tous dans les mêmes tons rouges-bruns chauds, tous avec des figures (papillons, fleurs, oiseaux… ou indéfinissables) éparpillées à travers le tableau, et tous pourvus d’un cadre extraordinaire.
C’est un artiste discret, Hans van Hoek, qui préfère se tenir loin de toute vie mondaine. Il a vécu aux quatre coins du monde, au Canada, en Afrique du Sud… et à présent, il vit de nouveau dans la petite ville où il est né, dans le sud des Pays-Bas. Néanmoins, il a participé à des manifestations artistiques prestigieuses, comme la Dokumenta de Kassel, et il a eu de grandes expositions dans des musées. Un nom à suivre (il serait temps…).

Je continue mon chemin, et au stand de la galerie David Lévy, je tombe sur une petite série de « carreaux » aux coloris et au dessin changeant imperceptiblement de tableau en tableau. Josef Albers, à ne pas s’y tromper. Heureusement, il y en a trois : les Albers, il faut les voir à plusieurs, justement, pour se laisser fasciner par la progression des nuances.
Ci-contre : Josef Albers, Study for Homage to the Square: Decided, 1957
Un peu plus loin, à la galerie Von Vertes de Zürich, je suis contente de constater que les beaux tableaux d’Alexej von Jawlensky sont en compagnie de ceux de… sa compagne, justement, Gabriele Münter, que dans le passé on a trop souvent eu tendance à ignorer. Et j’ai du mal à décider lequel je préfère…


Cette galerie Von Vertes a d’ailleurs d’autres trésors, comme un Braque, un Gerhard Richter, et un superbe Nicolas de Staël (à droite), dont les couleurs semblent rendues encore plus vives par le noir du Soulages à côté…
D’autres découvertes? Oui, certes. Elles étaient déjà mentionnées parmi les « pièces maîtresses » du TEFAF 2024, mais il faut les voir toutes ensemble – ou du moins, un grand nombre d’entre elles – pour vraiment les apprécier : les 100 chaises « bancales » de Paolo Pallucco à la galerie Ketabi Bourdet. Chacune a un « défaut », une bizarrerie : un siège arrondi, les pieds de travers, un dossier en forme d’éventail… Et l’ensemble est très amusant.
Mini-Musée

art japonais
Ma plus grande découverte était peut-être l’art contemporain japonais, présenté par la maison A Lighthouse called Kanata – tout un programme. On connaît, bien sûr, un certain nombre d’artistes japonais qui souvent travaillent à l’etranger. Comme le sculpteur Shinkichi Tajiri, comme le minimaliste Rakuko Naito, et d’autres, sans oublier Yayoi Kusama et ses fameux « polkadots » ou pois, bien sûr. A Lighthouse called Kanata se spécialise dans l’art du XXIe siècle, et ses artistes s’appellent – en vrac et parmi beaucoup d’autres – Kentaro Sato, Chiko Takei, Sachi Fujikake, Nioto Ikuta (notez sa superbe « vague » en verre qui rappelle celle, célèbre, de Hokusai – mais qui en réalité fait partie d’une série intitulée « Free Essence » ), ou le sculpteur (« metal artist ») Satoru Ozaki (dont « The Path to Spring », 2024, a été vendu dès les premiers jours du TEFAF). J’omets encore bien d’autres noms qu’il va falloir retenir…
À suivre…
Informations pratiques
Jusqu’au jeudi 14 mars, de 11h à 19h. MECC Forum, Maastricht. Entrée €45,- (en ligne) pour une journée en semaine. Voir toutes les informations pratiques ici.
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English summary
TEFAF 2024 : Women on Top
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How to summarise this huge fair, where one wanders like a child in a chocolate factory? I can give you some figures: 272 exhibitors from 22 countries; among the visitors, over 300 museum directors and curators – and important sales on the very first day, when no one else is around and these professionals can operate relatively discreetly.
I’d like to highlight two of these sales.
Shown here: Gesina Ter Borch, Portrait of Moses at the Age of Two.
First, an oil painting by Gesina Ter Borch (1631-1690) acquired by the Rijksmuseum (Amsterdam), from Zebregs&Röell Fine Art and Antiques who found it at a French antiques dealer. Gesina Ter Borch – or Ter Borgh – was born into a large family, almost a dynasty, of artists, linked to the Brueghel family. The ones best known are men – the women, most of the time, didn’t sign their works. The canvas now bought by the Rijksmuseum, a portrait of Gesina’s younger brother Moses at the age of two (but painted some twenty years later, after Moses died in the Anglo-Dutch war, around 1660), is the only one known to be signed by her (apart from her watercolours or drawings).

The other one is not painted by a woman – it’s a Van Gogh – but it does represent a woman, a « Peasant woman in white cap » (« Tête de paysanne à la coiffe blanche« , 1884). And this little canvas, too, was sold (by Galerie M. S. Rau from New Orleans) on the very first day, to a « private museum outside the EU ». Let’s hope this museum will open its doors to the general public and lend this and other art works generously in view of exhibitions elsewhere.
This little introduction to say that women artists are on the rise. Not only are they more visible – The TEFAF site even has a special showcase for women artists – from Artemisia Gentileschi to Yoyai Kusama – but they are also said to sell well. This goes for ancient art – Study of a Youth by Michaelina Wautier was sold for a good price on the very first day – and for modern art, so I was told. For instance, Elliot Retelet, from the Retelet gallery, specialising in surrealism, said that among the two « main » women surrealist painters, Jane Graverol and Raphaelle Baes, the latter – who is also the lesser known – suddenly sells quite well.
As said, works by women artists are also more prominently shown, at the entry of a stand, with several works. There is even one gallery, Patrice Trigano, whose stand is entirely consacrated to women artists, as diverse as Vieira da Silva, Germaine Richier, Dora Maar, or the Dutch ceramist Carolein Smit… In particular, I noted women sculpturs, Barbara Hepworth, Lynn Chadwick (Connaught Brown), Eva Jospin, to name only those. And I discovered, at Nathalie Obadia‘s stand, the beautifully rounded female figures by Wang Keping (b 1949 in China, but living and working in France). They reminded me somewhat of Chana Orloff‘s work.

Other discoveries ? Oh yes. In any order: Paolo Pallucco‘s funny « wobbly chairs » (Ketabi Bourdet); Josef Albers‘ « squares » (that’s not their name, that’s how I call them – galerie David Lévy); a rare, handwritten note by the surrealist André Breton, with a little knife stuck to it (The Mayor Gallery), A big oil painting by the Dutch artist Hans van Hoek, part of a series called « Kimono« , and remarkably framed by the artist himself (Borzo Gallery; shown here). Oh yes, and a lot of Japanese artists (at A Lighthouse called Kanata) – among whom glass artist Nioto Ikuta, and metal artist Satoru Ozaki. Names to remember… And much, much more…

Practical information
Until Thursday 14 March, from 11 am to 7n pm. MECC Forum, Maastricht. Entry €45,- (online). Click here for all practical information.
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