Le Japon, en veux-tu, en voilà (2)

Je vous avais promis de vous reparler du « japonisme », et en particulier de l’influence de l’art japonais sur celui de Vincent van Gogh.

J’avoue que, avant d’avoir vu l’exposition, le sujet me paraissait un tout petit peu tiré par les cheveux. Van Gogh et le Japon ? Ma foi… On connaît, bien sûr, le fameux « Pont sous la pluie » d’après Hiroshige. L’influence japonaise y est évidente, directe. Encore plus célèbres est sans doute l’« Amandier en fleurs ». Là, à première vue, on peut ne pas penser à une inspiration japonaise ; la célébrité de cette image, qu’on associe tout de suite à Van Gogh et à la Provence, empêche en quelque sorte de voir ce qu’il peut y avoir derrière. Pourtant, il suffit de mettre côte à côte ce célèbre tableau et des peintures florales japonaises pour que la ressemblance saute aux yeux.

Mais qu’en est-il de la tout aussi fameuse « Chambre à coucher » ? Où l’inspiration japonaise se cache-t-elle ? Et qu’est-ce qu’une « Arlésienne » (Marie Ginoux) peut bien avoir de japonais ?

Il suffit de voir l’exposition pour être convaincu (vous avez encore quelques jours, jusqu’au 24 juin…). Là, plus aucun doute n’est possible. En fait, Vincent van Gogh était véritablement obnubilé par le Japon, par la lumière japonaise, ou plus exactement par l’idée qu’il s’en faisait ‑ car bien entendu, il n’y a jamais mis les pieds.

Des estampes, japonaises et autres, telles qu’elles étaient sur un mur de l’atelier

C’est lors de son séjour à Anvers, en 1885, qu’il mentionne dans une lettre sa découverte des estampes japonaises, dont il avait eu connaissance par sa lecture des frères Goncourt. « La maxime des Goncourt était Japonaiserie for ever » écrit-il à son frère Théo. Dès lors, il les collectionne, ces estampes, avec avidité. Puisque ses moyens sont limités, la qualité des gravures qu’il achète n’est pas toujours excellente. Il s’en fiche. De toutes façons il les traite assez cavalièrement, les punaisant sur les murs de son atelier (on voit encore les marques des punaises sur les exemplaires exposés) pour tantôt les copier, tantôt y puiser de l’inspiration, qu’il s’agisse des couleurs, de la perspective (ou son absence), des contours très marqués, des hachures, ou simplement du motif (la pluie, les fleurs). Oh, il n’était pas le seul artiste à être fasciné par l’art japonais (ne nommons queDegas, Monet, Whistler, ou Rodin, également de fervents collectionneurs).

Van Gogh : Courtisane (d’après Eisen), 1887.

En fait, toute l’Europe était sous le charme de cet art venu de loin, et Paris en était devenurra

le centre commercial. Des artistes comme Utagawa Hiroshige et Katsushika Hokusai étaient particulièrement prisés. On publiait des ouvrages plus ou moins savants sur « l’art japonais », qu’on considérait comme un art « primitif » (lisez: plus « nature »), donc apparemment sans voir son évolution sous l’influence de l’art… européen, justement, depuis que le Japon s’était ouvert au monde, au milieu du XIXe siècle (avant, pendant quatre siècles, les Hollandais étaient les seuls à pouvoir faire du commerce avec le Japon).

Ainsi, les artistes japonais avaient introduit la perspective, nouvelle pour eux, et aussi des couleurs plus vives, grâce à des produits importés d’occident. En Europe, ces couleurs vives étaient considérées justement comme « typiquement japonaises ».

La Berceuse, 1889, Art Institute of Chicag

La lumière de la Provence éblouit Van Gogh. Dans ses lettres, il la compare à ce qu’il considère être la lumière japonaise. En Arles, il a trouvé son environnement idéal. « Je me dis toujours qu’ici, je suis au Japon. Que conséquemment, je n’ai qu’à ouvrir les yeux et à peindre droit devant moi ce qui me fait de l’effet. »

Mais quand il tombe malade et qu’il est soigné à Saint-Rémy, sa peinture devient moins « japonisante ». Il n’est plus capable de faire ce qu’il appelle une « peinture plate ». La sérénité a disparu aussi. A plus forte raison à Auvers-sur-Oise, où la lumière n’est plus la même et où ses oeuvres ‑ et sa vie ‑ prennent une tournure nettement plus dramatique.

L’exposition montre bien cette évolution, et la juxtaposition des œuvres japonaises avec celles de Van Gogh est fascinante. De plus, il y a des oeuvres qu’on voit très rarement en Europe, comme « L’Arlésienne », normalement au Metropolitan Museum of Art à New York. Si vous ne pouvez vraiment pas y aller, procurez-vous le catalogue. Il est très beau, et il existe en français.

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Van Gogh et le Japon. Exposition au Musée Van Gogh, jusqu’au 24 juin. Pour les tickets et autres détails pratiques, cliquez ici.

Catalogue, « Van Gogh et le Japon ». Publié par Fonds Mercator (Bruxelles), Van Gogh Museum (Amsterdam), Hokkaidó Shimbun Press (Sapporo). 200 p, 250 reproductions, € 29.95 (en néerlandais, en anglais ou en français).

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