
Un des événements d’Amsterdam ayant mené à la rafle de Juifs des 22-23 février 1941 et, par ricochet, à la Grande grève, était un incident dans un autre quartier de la ville.
Le 21 février au soir eut lieu une descente de l’Ordnungspolizei au café-glacier nommé Koco (Van Woustraat 149 – il y a une plaque), du nom des propriétaires Ernst Cahn et Alfred Kohn, réfugiés juifs d’origine allemande. Comme l’endroit avait déjà été l’objet d’attaques, il était protégé par un commando de défense, qui – faute d’avoir autre chose à la main – accueillait les policiers à coups de… gaz de gazogène, qui normalement servait à fabriquer de l’eau de Seltz. Si les conséquences n’avaient pas été aussi tragiques, ç’aurait été un incident plutôt comique, les nazis recevant des jets de gaz dans la figure…
Il semblerait que Klaus Barbie, futur chef de la SS à Lyon (depuis 1942 jusqu’à la Libération, quand il réussit à s’échapper), ait participé à cette descente, tout au moins d’après ses propres dires. Klaus Barbie, surnommé plus tard « le boucher de Lyon », faisait depuis mai 1940 « ses classes » à Amsterdam, où il était chargé de la « question juive » ainsi que de la francmaçonnerie. D’après ses déclarations (manifestement fausses), il aurait joué un rôle important lors de la descente au salon de thé-glacier Koco (alors qu’il n’était encore qu’un officier subalterne de la SS). Dans une interview (1979) donné au magazine allemand Stern, quand il était encore en liberté en Amérique du Sud (avant d’y être identifié par Serge Klarsfeld et livré la France pour y être jugé), Barbie s’est vanté de son rôle « héroïque » au cours de cette action chez Koco, où il aurait démantelé un dangereux réseau de terroristes…
Il se peut que Barbie ait été présent ce soir-là en subalterne (l’opération était menée par son chef, SS Obersturmführer Lauhus), mais en matière de « terroristes », ses collègues (et lui, éventuellement) n’ont arrêté que les deux propriétaires du café et six membres du commando de défense. En matière de « terrorisme ». on fait mieux…
Tous furent torturés dans les locaux de la sûreté allemande avant d’être condamnés à de lourdes peines par un tribunal allemand siégant à La Haye. Alfred Kohn était condamné à dix ans de réclusion criminelle. Il était emprisonné en Allemagne. En février 1944, il était déporté à Auschwitz, où il était diagnostiqué tuberculeux. Au cours de la marche de la mort, en janvier 1945, quand on a commencé à évacuer Auschwitz et que les prisonniers étaient forcés à des marches longues et épuisantes vers d’autres camps, Alfred Kohn, à bout de forces, fut tué à coups de fusil par ses gardiens.

Quant à Ernst Cahn, il fut le premier, pendant l’occupation, à être fusillé par les Allemands, le 3 mars 1941… Un petit entrefilet d’un journal de La Haye parle de « la condamnation à mort d’un criminel juif » pour « violences » envers l’occupant. Cahn se serait rendu coupable d’un « attentat » contre des agents de la Sicherheitspolizei venus dans le cours d’une enquête sur son salon de thé-glacier. On y aurait trouvé tout un arsenal « d’armes de choc ».
Klaus Barbie (1913 – 1991), lui, a vécu en liberté en Amérique Latine jusqu’en 1983, quand il a été livré à la France et incarcéré à Lyon. En 1987, il a été condamné à la réclusion à perpétuité. Il est mort en prison – où il semble avoir vécu dans des conditions relativement confortables – en 1991.
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