Un paysagiste admirable : Adriaen van de Velde

La plage à Scheveningen, 1658; Gemäldegalerie Kassel.
La plage à Scheveningen, 1658; Gemäldegalerie Kassel.

A peine une exposition s’ouvre, et une nouvelle s’annonce. Et parfois, il y en a deux qui commencent en même temps. Tel était le cas au Rijksmuseum : l’exposition des paysages d’Adriaen van de Velde s’ouvrait en même temps que celle, tout aussi admirable, des

Danseuse; coll. Elise Wessels.
Danseuse; coll. Elise Wessels.

estampes japonaises modernes (collection Elise Wessels), toutes deux suivies à courte distance par la présentation de Maarten et Oopjen, et celle du Jugement dernier de Lucas van Leyden – suivies, d’ailleurs, à leur tour par quelques autres, comme la fascinante Dream Out Loud (Stedelijk Museum, Amsterdam), ou celle des belles photos russes au JHM. Résultat : je vous ai parlé de Maarten et Oopjen, ainsi que de Lucas, mais ni d’Adriaen, ni des autres… Et pourtant, ils valent le coup. Tout comme celle d’Elsworth Kelly dans le tout nouveau et tout beau musée Voorlinden. Ou comme les tableaux sereins et narratifs de Jan Weissenbruch (Teylers), ou au contraire, les grands gestes qu’on retrouve dans la peinture classique de Gérard de Lairesse (Rijksmuseum Twenthe). Il y a tant de choses, tant de choses à voir….

 

Adriaen (novembre 1636 – janvier 1672) d’abord. Ses paysages non seulement rendent une ambiance, une atmosphère, elles racontent aussi une histoire, ou des histoires. Comme beaucoup de ses contemporains, il ne vécut pas bien vieux (il mourut à 35 ans), néanmoins il est devenu supercélèbre durant la courte période où il a pu se manifester comme maître paysagiste. Il faut dire qu’il avait de qui tenir. Son père, Willem, établi à Amsterdam, mais né à Leyde et d’origine flamande, était un peintre de marines renommé, de même que le frère aîné d’Adriaen, Willem le jeune. Et c’est dans l’atelier familial, établi à Amsterdam, que le jeune Adriaen a reçu sa première formation professionnelle. Il a peint quelques marines, mais assez vite, il s’est orienté vers le paysage.

A l’époque, les peintres ne dépendaient plus, pour vivre, de quelques grands commanditaires, comme l’Église ou les princes. Ils devaient chercher à se maintenir dans un marché relativement étroit, où la concurrence était grande. Ils avaient donc intérêt à se spécialiser : un tel faisait surtout des portraits, tel autre des scènes rurales, tel autre encore des animaux. Pour Adriaen, son spécialisme, c’était donc surtout les paysages de toutes sortes, que ce soient des scènes rurales semblables à celles de Paulus Potter, ou bien des paysages romantiques, ‘italianisants’, ou bien encore des scènes de chasse ou des paysages de bord de mer. Et cela marchait, il avait du succès et même longtemps après sa mort, ses œuvres restaient très prisées.

La plage à Scheveningen, 1658; Gemäldegalerie Kassel.
La plage à Scheveningen, 1658; Gemäldegalerie Kassel.

Si toutes ses peintures sont belles, il y en a quelques-unes absolument superbes. En particulier, celle de la plage de Scheveningen, village de pêcheurs à côté de La Haye (1658 ; musée de Cassel). Elle a tout : la mer, calme, à marée basse ; la plage avec à la fois des promeneurs, des familles, des enfants qui jouent dans les flaques laissées par la mer qui se retire, des pêcheurs de coquillages, un bateau de pêche au loin ; les dunes, et, à l’horizon, le village de Scheveningen avec les tours de ses églises ; et surtout, surtout, le ciel, ce ciel typique du Nord, clair mais avec quelques nuages qui montrent qu’il y a un peu de vent… Le tableau a une ambiance sereine, où les groupes de personnages racontent autant d’histoires – mais des histoires de tous les jours, qui n’ont rien de dramatique. C’est un tableau qu’on peut regarder longtemps, et souvent.

 

La couronne d'épines. Adriaen van de Velde, 1964. Ons'Lieve Heer op Solder.
La couronne d’épines. Adriaen van de Velde, 1964. Ons’Lieve Heer op Solder.

Si le paysage constitue l’objet principal de la peinture d’Adriaen van de Velde, ce n’est pas le seul. Il a fait aussi quelques tableaux religieux, vraisemblablement sur commande pour des églises catholiques. Né protestant (son grand-père flamand s’était réfugié aux Pays-Bas pour échapper aux persécutions), Adriaen a dû se convertir au catholicisme après son mariage avec une femme catholique. Or, à Amsterdam, où il vivait, le culte catholique n’était certes pas interdit, mais ne pouvait pas avoir pignon sur rue  (conséquence de la guerre de 80 ans contre l’Espagne catholique de Philippe II); il se pratiquait donc dans des ‘églises-cachettes’, comme Ons’ Lieve Heer op Solder (Notre Seigneur au grenier), en plein centre de la ville.

 

Et c’est entre autres pour cette ‘église au grenier’ que Van de Velde a fait cinq tableaux représentant la passion du Christ – tableaux qui ne sont pas ses meilleurs ; vraisemblablement, pense le conservateur Marijn Schapelhouman, parce que la rémunération était faible et que, du coup, le peintre n’y a pas investi beaucoup de temps. Ces cinq tableaux ne font pas partie de l’exposition au Rijksmuseum (qui inclut quelques autres tableaux religieux de la main de Van de Velde, d’une qualité bien supérieure), mais exposés en permanence à Ons’ Lieve Heer op Solder, qui a d’ailleurs pu les acquérir depuis peu.

Au Rijksmuseum, l’exposition dure encore jusqu’à fin septembre 2016. Allez-y, courez-y tant que vous aurez l’occasion. Et admirez non seulement les peintures, mais aussi les dessins – qu’il s’agisse d’esquisses, d’études exposées à côté des toiles apparentées, ou bien de dessins ‘finis’, destinés à la vente tels quels. Il n’y a pas de doute : Adriaen van de Velde était un grand peintre et un grand dessinateur.

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Rijksmuseum, Museumstraat 1, Amsterdam. Jusqu’au 25 septembre 2016. Il y a un beau catalogue (en néerlandais et en anglais): Adriaen van de Velde: Dutch Master of Landscape | JUNE 2016: Hardback, 280 x 245 mm, 228 pages, 250 colour illus. PRICE: £35.00 ISBN: 978 1 907372 96 4.

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