Cocorico! Pour une fois, je ne suis pas mécontente de mon pays. Ici, aux Pays-Bas, les immigrés ont le droit de vote aux élections municipales depuis l’an 2000. Les citoyens d’un pays membre de l’Union Européenne possèdent ce droit même depuis 1996 – mais je suppose (sans en être entièrement sûre) qu’il en est ainsi dans toute l’UE.
Précisons qu’il s’agit du droit de vote actif ET passif – les non-néerlandais (à l’exception des diplomates et des militaires) peuvent donc non seulement voter, mais aussi se faire élire. Et ils le font, tout au moins dans les élections municipales. Certes, il y en a toujours qui – comme mes amis français ou espagnols, ou mon neveu britannique – ont ‘la flemme’ d’aller voter, prétendent que c’est inutile (‘un vote, qu’est-ce que ça change?’), enfin, on connaît les excuses. J’avoue avoir même engueulé mon neveu en particulier – car grâce aux flemmards comme lui, le parti de Wilders, notre Le Pen national, a pu arriver en tête dans la commune qu’il habite. Malin… Enfin, passons.
A l’opposé, donc, de certains ‘Européens’, les communautés d’immigrés d’origine marocaine ou turque – quel que soit leur nationalité – participent activement aux élections municipales. Non seulement ils votent, mais ils se font élire. Souvent sur les listes de gauche (mais pas seulement), en particulier celles du parti travailliste (Partij van de Arbeid, PvdA) à tel point que nos populistes nationaux le surnomme par dérision ‘Partij van de Allochtonen’ ou, traduit librement, Parti des Immigrés. Passons.
Entre parenthèses, les municipales ne sont pas les seules élections où les non-néerlandais ont le droit de vote. Ils peuvent participer également à l’élection des bureaux des Waterschappen (singulier Waterschap), terme quasiment intraduisible. Un Waterschap (littéralement: unité, ou territoire, d’eau) est une unité territoriale formée autour d’un cours d’eau, d’un lac, d’un polder, d’un ensemble de canaux – et qui d’occupe de la régulation (du niveau) de l’eau, ainsi que de l’hygiène et, par conséquent, de la sécurité de la population dans ce domaine. Fonction importante s’il en est – et ancienne. La surabondance de l’eau, ça nous connaît, depuis la nuit des temps, de même que, ces dernières années, sa relative rareté… Les Waterschappen datent du moyen-âge, leur système démocratique également. On dit que la tendance néerlandaise à discuter, discuter, discuter, jusqu’à atteindre un compromis, date de là. Les Waterschappen forment en tout cas la démocratie la plus ancienne des Pays-Bas.
Malheureusement, leur fonction cruciale – que serions-nous sans l’eau, dans ce pays qui en est partiellement extrait? – est sans rapport avec l’intérêt que leur portent les citoyens d’aujourd’hui, devenus en majorité citadins. Les Waterschappen? Oui, oui, on en a entendu parler, mais ça fait quoi exactement? Et qui sont les gens qui les dirigent? Aucune idée… Ce ce fait, l’abstention, aux élections des Waterschappen, est énorme – et je confesse faire partie des abstentionnistes, tout bêtement parce que ces élections sont entourées de si peu de publicité que je les oublie, le jour venu…
Fermons la parenthèse. La participation de ‘nos’ immigrés à ‘nos’ élections municpales est un indice de l’intégration, je dirais, et il me semble qu’on ne peut que s’en réjouir. Pour paraphraser l’acteur anglais Michael Gambon dans ‘The Singing Detective’ (oui, ça date…): ‘Am I right – or am I right?’ ‘J’ai raison – ou j’ai raison?’
Les Waterschappen italiens dont je parlais sont les enclaves d’eau dans les terres en bordure d’Adriatique. Les travaux de régularisation du courant de l’eau et de drainage dans le Delta du Po ou à l’entour, menés à bien par doges abbés ou princes, ont laissé des coins où prolifèrent naissain et coquillages. Les habitants s’entendaient démocratiquement pour se partager à chaque saison les places pour ramasser ce butin communal, de façon équitable et donc tournante. Le succès des « vongole » /palourdes (Venerupis decussata L.) en garniture de pâtes ou autre ne se démentant pas, le collectif médiéval s’est transformé en moderne association de producteurs. Les deux récentes Organisations de producteurs de la palourde [AOC et bio] de la Sacca di Goro importent des « vongole » des Phillippines pour les élever dans leur eaux, les vendre et les réexporter auprès des amateurs de cuisine italienne du monde entier. Le communiqué ne dit rien du règlement intérieur de l’association – les habitants de la commune ont ils encore à y voter ?
J’aimeJ’aime
Oui. Tu as bien raison de faire « Cocorico! ». Le coq gaulois ne pourrait pas faire de même à ce propos. (hum, hum) Et pour changer de conversation, y a-t-il un animal qui symbolise les Pays-Bas ?
Quant au « waterschappen » et à leur gestion collective, il sont bien évidemment propres à votre pays mais j’ai entendu une géographe italienne parler de la gestion collective (et par consensus) qui avait pris naissance au moyen-âge pour mettre en valeur en commun d’étangs et de rivières avec des bras-morts (pêche et repeuplement) dans une région de la côte adriatique dont c’était la richesse principale – gestion collective d’un « common » aquatique qui se prolongerait encore maintenant. A la campagne aussi et pas seulement dans les Cités-Etats marchandes s’est développée la démocratie.
J’aimeJ’aime