Un samedi froid et humide à Bruxelles. La neige et la pluie alternent. Même l’arbre de Noel et la crèche sur la Grand’Place ne peuvent vraiment changer cette atmosphère morose. Cependant, sur la facade de l’Hôtel de Ville, un nom sur un calicot a ce pouvoir d’illuminer toute la place: celui de Tomi Ungerer.
L’expo n’est pas très grande – et pourtant. D’emblée, les dessins et aquarelles, surrealistes, amusants, acerbes, surprenants, toujours différents de ce que l’on attend, vont droit au coeur. Ils font plaisir ou ils font mal (comme ses affiches contre la guerre du Vietnam, faites à la demande de l’Université de Columbia, qui les refuse pourtant parce qu’elles serait «provocatrices»), mais ils vous font quelque chose.
Je connaissais ses dessins pour enfants, bien sûr, ses illustrations. J’avais un vague souvenir de ses dessins politiques. J’ignorais qu’il avait fait aussi des affiches publicitaires (et non des moindres), j’avais oublié à quel point ses styles pouvaient varier, à quel point le dessinateur est flexible. Quelle maîtrise! Quelle joie pour le spectateur!
C’est aux Etats-Unis que la carrière de Tomi Ungerer (1931) prit son envol, en 1956-57, quand il débarqua à New York avec «60 dollars en poche et une cantine de dessins et de manuscrits». Justement, un livre refusé par plusieurs éditeurs européens est accueilli là-bas à bras ouverts. Ungerer dessine ensuite pour les magazines les plus grands, et tout de suite, son oeuvre est couronné par un prix célèbre, celui du Spring Book Festival.
Mais au bout d’une quinzaine d’années, (une partie de) cette même Amérique le rebute (ou le refuse, comme l’Université de Columbia), pour des raisons politiques évidentes (Vietnam, racisme), et il s’installe au Canada. En Nouvelle-Ecosse (Nova Scotia) pour être précis, là où l’Atlantique rejoint les vastes plaines du Nord. Et ces plaines, ce vide, il les transforme aussi en peintures, qui seront réunies dans un livre, Slow Agony. Ce sont des images tristes et belles à la fois, tristes à cause de la mort lente qui, effectivement, est très visible: épaves de voitures, pauvreté, bicoques en ruine. Mais quelle beauté aussi…
Après le Canada, ce sera l’Irlande du Sud, où Ungerer vit toujours, avec sa femme Yvonne Wright et leurs trois enfants. Mais où qu’il vive, il continue de créer – des affiches, des livres, même un film, un dessin animé, Les Trois Brigands. Le film est sorti actuellement à Bruxelles, en version française (cinéma Arenberg, www.arenberg.be ) et dans une version néerlandaise (De Drie Rovers, Kinepolis, Heysel). Attention: le 21 décembre, la séance (14h30) sera complétée par une sénce de contes.
Les affiches, illustrations et autres dessins viennent tous de la collection du Musée Tomi Ungerer (Centre National de l’Illustration), ouvert en 2007 à Strasbourg, sa ville natale. Mais pour qui Bruxelles est plus près: courez-y, l’expo dure jusqu’au 11 janvier; vous avez encore toutes les vacances de Noël pour y aller. Le 8 janvier sera une «journée Tomi Ungerer», avec des conférences et des activités pour les enfants. Ces derniers seront d’ailleurs gâtés durant toute l’exposition: tous les samedis après-midis à l’expo même, et par ailleurs à la librairie Tropismes (4, Galeries du Roi, www.tropismes.com ).
Ouvert tous les jours sauf le lundi de 11.00 h à 18.00 h (fermé24, 25, 31 décembre et 1er janvier. Hôtel de Ville de Bruxelles, Grand’Place (Grote Markt). Informations www.brupass.be