Le plus remarquable, c’est les casquettes. D’une année à l’autre, j’en oublie l’image, donc chaque fois, le spectacle me surprend et me réjouit. Cette pile de casquettes, des blanches, des bleues, des noires, des vertes, garnies d’ailes, de dorures, de galons… Il y a des képis aussi, dont une particulièrement remarquable, bleu et rouge, d’un bleu azur, tirant sur le turquoise, avec un trait de rouge foncé. A-t-il aussi un galon doré, peut-être un gland comme sur un fez? Exotique, en tout cas.
Ces casquettes en pile bien rangée m’ont fait regretter de ne pas avoir pris mon appareil photo. D’autant qu’on a le temps de les contempler longuement. Cette année, le vestiaire a été transféré vers l’extérieur – là où on fait la queue, pendant dix minutes, un quart d’heure. La raison: il faut serrer la pince non seulement à l’ambassadeur et à sa femme, mais à toute un flopée d’autres personnes – conseils d’ambassade, fonctionnaires du ministère? – qui se tiennent là comme des parents d’un couple de jeunes (ou de vieux) mariés. Innovons, innovons…
Je parle, bien entendu, de la réception à l’ambassade de France – du 14 juillet vu de La Haye. Pour rien au monde je ne la manquerais. Mon côté snob, sans doute. Et côté snobisme, j’en connais un brin. Il m’est même arrivé de rouspéter si d’aventure on m’invitait à une heure tardive, l’heure du petit peuple. Ah mais! Moi, ancienne correspondante, vétérane du journalisme, je veux qu’on m’invite à l’heure où arrivent les (anciens) ministres, les généraux, les amiraux, les autres ambassadeurs. Le beau monde, quoi.
Et du beau monde, il y en a, ce 14 juillet 2007. J’ai vu au moins trois anciens ministres (tous néerlandais). Beaucoup de galons dorés, beaucoup de femmes sortant de chez le coiffeur, portant leur petit ensemble dernier cri, leur plus belle robe de soie, leur châle de mousseline, leurs talons aiguille – pas évident, sur l’herbe du jardin. Une seule dame, toujours la même à mon avis, est coiffée d’un grand chapeau excentrique.
Peu de collègues par contre – pas grand monde à qui parler, à part M., toujours fidèle au poste, toujours attentive à toutes ses ‘brebis’ dont le troupeau malheureusement va diminuant d’année en année. La France n’a plus que quelques correspondants au Pays-Bas: celui de l’AFP, que je n’ai pas vu cette fois-ci, et celle de Libé, qui dédaigne l’ambassade. Le Monde – comme les autres quotidiens, sans doute – a concentré les siens à Bruxelles, à part une correspondante spécialisée dans la Cour Internationale de Justice, le Tribunal de Yougoslavie et la toute nouvelle Cour pénale internationale (qui juge les crimes de guerre commis ailleurs qu’en l’ancienne Yougo). La Haye vaut peut-être encore parfois le détour, mais plus le déplacement. Les dépêches des agences de presse remplacent les observations des correspondants, comme partout ailleurs… On finira par écrire ces dépêches à Bangalore, comme Reuters le fait déjà pour les dépêches économiques…
Qu’à cela ne tienne. A l’ambassade de France, le champagne coule à flots cette année – cela n’a pas toujours été le cas. Les jus de fruits sont rares, le verre d’eau servi sur demande seulement. Par contre, la nourriture abonde, les viandes surtout. Dans tous les coins du jardins, ça sent la barbaque grillée. Les tentes où d’autres années, on servait des crêpes ou des soupes – c’est le grand truc à la mode, la soupe froide en verre mini-mini – sont toutes remplacées par des stands à gril. De grands panneaux à l’entrée de l’ambassade – plusieurs, oui, au cas où on aurait raté les premiers – annoncent la couleur: beaucoup de boucheries en effet, limousines ou autres, parmi les fournisseurs (et mécènes?) de la réception. Heureusement, il y a aussi (à l’intérieur) des plateaux de fruits – et de fromages, et de salades. Les soupes du chef – bisque de homard, cette fois-ci – sont servies par les charmantes jeunes personnes qui circulent avec les plateaux à boissons.
Oui, c’est une belle réception, une fois de plus. Détail ironique: personne ne paie la moindre attention aux écrans qui diffusent les images du défilé du 14 juillet. A la sortie, la rangée des personnes à saluer est toujours là; impossible de filer à l’anglaise. Enfin, pour une fête aussi française, c’eût été inconvenant, sans doute.