Quelques réflexions sur la « crise des banlieues »

Quel gâchis.
Voilà le mot qui me vient à l’esprit en lisant/écoutant/regardant les infos sur
« les banlieues ». Quel gâchis. Et pourquoi ?

J’ai lu et
entendu toutes sortes d’analyses, on a énuméré tous les problèmes des
banlieues : de la discrimination raciale au refus d’intégration, de la misère
à la délinquance, du chômage à l’ennui. Tout et son contraire.

Et pourtant, je
n’arrive pas à comprendre. Se révolter, d’accord – mais brûler des
écoles ? Des bus ? Des bibliothèques ? Qu’on s’attaque aux beaux
quartiers, j’aurais compris, à la rigueur (et comprendre n’est pas approuver,
évidemment). Mais s’attaquer à ses pairs ? A ceux qui vivent dans la même
cité ? A ses voisins ? Pire, à leurs enfants ? Et non pas une
fois, à un moment de folie, mais dix, onze, douze soirées de suite ? De La
Courneuve à Brest et Toulouse…

Mais qu’est-ce
que ces émeutiers – "trublions", aurait dit De Gaulle ‑ pensent bien
obtenir ? A quoi cela les avance-t-il ? A rien. C’est une violence
gratuite et suicidaire.

Alors, devant ces
événements je me sens dépassée, désemparée et perplexe.

On cite mai 68,
bien sûr. Pour nier aussitôt la ressemblance. Les « événements » de
mai 68 – la « chienlit », citons toujours le Général – correspondaient
à une révolte sur fond d’espoir. Ici, ce serait plutôt le désespoir. Nous, les
soixante-huitards, on était plutôt des nantis. Eux, plutôt des laissés pour
compte. Mais ça aussi, c’est trop simple. Voyez les flags (pardon, la comparution immédiate) de Bobigny : on
y a vu (entre autres) des gars bien intégrés, lycéens, ouvriers. Pas vraiment
« le rebut de la société », quoi. On songe aux hooligans, des mecs
souvent tout à fait ordinaires qui sont pris dans une folie collective lors de
certains matches de football, parfois aussi avec des conséquences désastreuses
– sauf que, dans ce cas, la folie retombe le lendemain du match, tandis qu’ici,
elle a repris soir après soir après soir. Cette gueule de bois, elle ne vient
donc jamais ?

Là où je verrais
un parallèle avec 1968, c’est que le gouvernement français vient enfin
d’annoncer des mesures… avec des années de retard. Apparemment, il faut que l’abcès
crève pour que l’on fasse (une petite partie de) ce qu’il aurait fallu faire
pour l’éviter, cet abcès.

On a mis en cause
le système d’intégration à la française. « On », c’est-à-dire surtout
la presse anglo-saxonne, avec un zeste de malin plaisir : « Ah, vous
nous chantiez le refrain de votre supériorité, eh bien… dansez
maintenant ! » Il y a du vrai là-dedans. Mais aussi beaucoup de faux.
Il suffit de penser aux émeutes de Brixton (Londres) du début des années 80, ou
à celles de Los Angeles d’une dizaine d’années plus tard… Et ce ne sont que
deux exemples. Il y a (aux Pays-Bas, en Allemagne, en Grande-Bretagne) des
« prophètes » qui sont « certains » qu’une situation
« à la française » est impossible dans leur pays (mais il y en a
autant qui sont « sûrs » du contraire et pointent déjà vers la
Belgique). Il y a ceux (surtout aux Etats-Unis) qui discernent une
« guerre » entre Arabes et Européens, pire entre l’islam et la
chrétienté. Absurde, bien sûr. La plupart des musulmans de France vivent leur
religion comme les Français « de souche » leur catholicisme – ou
comme les Néerlandais leur protestantisme : ils sont à peine pratiquants
et encore moins croyants. Ou l’inverse.

Peut-être, après
tout, n’y a-t-il pas d’explication. Comme il y a des millésimes pour le vin, il
y a des années où « ça chauffe ». 1968 en était une, et partout dans
le monde, pas seulement en France. En 1848, année de la parution du
« Capital », des barricades se sont dressées un peu partout en
Europe, et je parierais que tous ces « révolutionnaires » n’étaient
ni des idéologues ni des enfants de chœur. Et que dire de 1793 ? La
terreur ne venait pas que d’en haut… Sous l’ancien régime, la France a connu
des jacqueries, sans doute assez dévastatrices dans leur genre.

Bien sûr, c’est
un peu simpliste de dire qu’il y a des années explosives. Il faut tout de même
qu’il y ait une poudrière, et qu’il y ait du feu. Et ça n’explique toujours pas
cette rage de casser son propre entourage. Mais si l’explosion des
« banlieues » (de la Seine-Saint-Denis à Quimper et Avignon, tout de
même) était une sorte d’immense jacquerie, ça laisserait un peu d’espoir. Ce
serait en tout cas un mouvement bien français, bien… « intégré ».

Quant à
l’hypothèse pessimiste – je préfère pour l’instant ne pas l’envisager.

 

Un commentaire

  1. Un autre élément au feu à cette poudrière :la façon dont on les « traite » la façon dont on « leur » parle. Jeunes poursuivis par des flics cow-boys en voiture, balancés sur le capot…poursuites meurtrières dans les cités,insultes racistes… quand on veut le respect on commence par parler et se conduire correctement et ça fait un moment que ça dure !alors quand ceux qui devraient assurer la sécurité agressent et tuent???? il y a un malaise.

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